Puissance et fortune de la famille Médicis
La grandeur de la famille Médicis, de Cosme l’Ancien à Anna Maria Luisa, est incontestable.
Dès l’origine, elle fut reconnue, acclamée — et redoutée — par tous les souverains d’Italie et d’Europe. Les Médicis se distinguèrent des autres familles de banquiers florentins par plusieurs aspects essentiels.
Avant tout, ils ne possédaient pas ce dont les nobles se prévalaient: un titre aristocratique et une ascendance blasonnée.
Les Médicis appartenaient au peuple et c’est avec le peuple qu’ils dialoguaient.
Pourtant, les couronnes impériales de toute l’Europe s’inclinaient devant leur supériorité économique. Mais au-delà de l’argent, leur véritable richesse reposait sur une intense activité de mécénat.
Les Médicis et la politique de promotion des arts à Florence
Leur force était la puissance de la culture et des arts, grâce à laquelle Florence devint non seulement la capitale financière de son temps, mais aussi la capitale des lettres et des arts.
L’histoire de la famille Médicis est fascinante, surprenante et riche en rebondissements.
Innombrables sont les parcours qui, à Florence et dans ses environs, permettent de suivre les intrigues, les drames et les complots dont la famille fut à la fois actrice et témoin, protagoniste et victime; mais aussi les réussites et les défaillances qui marquèrent son ascension et son affirmation au pouvoir.
Ces itinéraires permettent également d’explorer les extraordinaires relations intellectuelles que les Médicis entretenaient, d’un côté, avec poètes, lettrés et philosophes: comme Politien, Marsile Ficin, Pic de la Mirandole et de l’autre avec les artistes comme Fra Angelico, Donatello, Botticelli, Michel-Ange, pour n’en citer que quelques-uns.
Une collaboration féconde qui permit de renforcer le lien avec l’Antiquité classique et de jeter les bases de la pensée humaniste de la Renaissance.
Ainsi, la renommée des Médicis fut immortelle – mais il n’en alla pas de même pour leur descendance, qui s’éteignit définitivement en 1743 avec la mort de l’exceptionnelle Anna Maria Luisa.
La fin d’une dynastie exceptionnelle
À qui fut-il alors attribué le Grand-Duché de Toscane ?
Après une série d’événements complexes, réglés par de délicates négociations diplomatiques, le choix se porta sur une famille française: les ducs de Lorraine.
Plusieurs questions se posent: comment en est-on arrivé à ce transfert? Quel intérêt les Lorraine avaient-ils à gouverner le Grand-Duché de Toscane en renonçant à leur duché de Lorraine en France?
Du point de vue territorial, le Grand-Duché de Toscane n’avait pas une grande valeur… Ses frontières correspondaient plus ou moins à celles de la Toscane actuelle.
Néanmoins, ce petit État jouait un rôle crucial dans l’équilibre politique de l’Europe de la première moitié du XVIIIᵉ siècle. Le choix fut en réalité déterminé par une succession de guerres: d’abord la guerre de Succession d’Espagne, éclatée en 1700 après la mort sans héritier de Charles II de Habsbourg, puis celle de Succession de Pologne, ainsi que les tensions liées à la succession au trône des Habsbourg d’Autriche.
Une famille française sur le trône de Toscane
Au cœur de ce contexte géopolitique fragile, François Étienne de Lorraine apparut comme l’homme idéal au moment idéal.
Fiancé à Marie-Thérèse d’Autriche, unique héritière de l’empereur Charles VI d’Habsbourg, et donc destiné à devenir empereur du Saint-Empire, François Étienne céda son duché de Lorraine à Stanislas Ier Leszczyński, beau-père du roi de France Louis XV, qui avait perdu son trône polonais.
En échange, l’ancien duc de Lorraine — futur empereur d’Autriche — reçut la Toscane.
Il fallut toutefois attendre la mort du dernier grand-duc Médicis, Gian Gastone, pour que François Étienne puisse officiellement prendre possession du Grand-Duché.
Anne Marie Louise, la dernière des Médicis, sauvegarde le patrimoine de famille
Gian Gastone, cependant, n’était pas le dernier descendant: Anna Maria Luisa l’était.
Ce fut donc avec elle que François Étienne dut traiter afin d’organiser le passage de pouvoir, qui eut lieu en 1737.
Nous verrons dans le prochain article de février comment cette femme extraordinaire parvint, avec une clarté d’esprit et une vision politique exceptionnelles, à sauvegarder l’intégralité du patrimoine médicéen. Revenons entre-temps à la famille française des Lorraine.
François Étienne ne vécut jamais à Florence.
Sa résidence principale fut Vienne, auprès de son épouse Marie-Thérèse d’Autriche, impératrice du Saint-Empire. Il ne visita Florence, capitale de son Grand-Duché, qu’une seule fois, en janvier 1739.
Le séjour fut bref, mais suffisant pour jeter les bases d’une politique éclairée qui sera brillamment poursuivie par ses héritiers, en particulier son second fils, Pierre Léopold.
La politique éclairée des grands-ducs de Lorraine.
François Étienne avait en effet décidé que son fils aîné hériterait du trône impérial, tandis que le second recevrait celui de Toscane.
Ainsi, en 1765, à seulement 18 ans, Pierre Léopold arriva à Florence.
Contrairement à tous les grands-ducs médicéens, il choisit de ne pas résider au somptueux palais Pitti: il préféra une villa périphérique, située sur les collines au sud de Florence — aujourd’hui sur le chemin du Piazzale Michelangelo — la Villa del Poggio Imperiale.
La villa de Poggio Imperiale: témoin de grands decisions
Cette villa, attestée depuis le XVIᵉ siècle comme propriété de la noble famille Baroncelli, était entrée dans les biens médicéens au début du XVIIᵉ siècle et devint la demeure favorite de deux grandes-duchesses: Marie-Madeleine d’Autriche et Vittoria della Rovere.
Ce fut précisément au rez-de-chaussée de cette villa, élue résidence idéale par Pierre Léopold, que le grand-duc signa un document d’importance capitale pour le respect des droits humains :
30 novembre 1786 l’abolition de la torture et de la peine de mort
Dans sa jeunesse, Pierre Léopold avait lu avec passion le traité Des délits et des peines du juriste milanais Cesare Beccaria – un texte révolutionnaire – immédiatement placé à l’Index, mais que le Grand-Duc François Étienne fit publier en 1764 à Livourne, ville libre de tout contrôle inquisitorial. De Livourne, l’ouvrage se diffusa dans toute l’Europe, surtout dans les pays protestants.
Fort de son autorité et convaincu que son pouvoir ne devait pas être soumis à celui de l’Église, Pierre Léopold entreprit une réforme décisive.
Il demanda d’abord à son juriste Cosimo Amidei de rédiger un texte audacieux, L’Église et la République dans leurs limites respectives, qui affirmait que l’État et l’Église devaient être deux réalités distinctes.
Puis, pour la première fois au monde, le 30 novembre 1786, il abolit en Toscane la torture et la peine capitale.
Son dernier souhait aurait été de rédiger une nouvelle constitution, mais ce projet demeura malheureusement une utopie.
